Pour éviter que le Sénégal et la zone ouest africaine soient le refuge de l’industrie du tabac, le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres) recommande, après des recherches, d’augmenter les taxes sur les produits du tabac.

Le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres), lors d’une conférence régionale de dissémination des résultats de recherche du projet « Action sur la taxation des produits du tabac en Afrique de l’Ouest », a proposé d’augmenter les taxes sur ces produits. Ce qui permettra de décourager la consommation et de faire supporter les coûts du tabagisme aux fumeurs et à l’industrie du tabac. Cela est utile, selon le Directeur exécutif du Cres, le Pr Abdoulaye Diagne, car le tabagisme est l’une des plus grandes menaces pour la santé mondiale. Même si l’on dispose, aujourd’hui, de nombreux instruments dans la lutte, il pense que « l’augmentation substantielle des taxes et des prix est la mesure la plus efficace pour lutter contre ce fléau ». M. Diagne indique que le Cres l’avait démontré à travers un argumentaire élaboré à la demande des Etats membres de la Cedeao et de l’Uemoa. Cet organe a donc prouvé que « la consommation de tabac ne connait une diminution significative et continue que dans les pays qui ont adopté une politique d’augmentation forte et régulière des prix de vente des produits du tabac. Cela, à travers un relèvement important des niveaux des taxes ».

Des taxes faibles dans la zone Cedeao
Toutefois, il constate que, dans les pays de la Cedeao, le total des taxes, hors Tva, ne représente que 30 % du prix moyen de vente des cigarettes, alors qu’il est de 62% en moyenne dans les pays de l’Union européenne (Ue). Ce qui est en deçà du taux d’au moins 70% fixé par la Convention cadre de lutte contre le tabac de l’Oms. Abdoulaye Diagne demande, de ce fait, l’application, par les Etats membres, de la nouvelle directive de la Cedeao sur la fiscalité des produits du tabac de 2017.

Le Directeur des Douanes de la Commission de la Cedeao, Salifou Tiemtoré, a abondé dans le même sens, saluant la collaboration et le travail technique du Cres sur la fiscalité du tabac. Il a rappelé qu’avant le partenariat avec le Cres le tabac était considéré comme un produit normal, un bien comme tous les autres, et la fiscalité qui était appliquée relevait tout simplement du droit commun. « Le travail effectué par le Cres et la qualité des rapports publiés lors de la première phase de ce projet ambitieux, et surtout la dissémination des résultats, ont permis d’inscrire la lutte contre le tabagisme au niveau des priorités nationales et régionales en haut de l’agenda des Etats membres de la Cedeao », explique M. Tiemtoré.

Revenant sur la directive de la Cedeao qui veut que la taxe sur les produits du tabac représente 70% de la valeur des produits, il reconnait qu’il faut un travail d’explication et de sensibilisation sur ce document pour son adoption par les Etats. Il faut aussi harmoniser les deux directives de la Cedeao et de l’Uemoa, contrebalancer la communication des fabricants des produits du tabac et le lien direct qui est établi entre l’accroissement de la fraude et l’augmentation du prix du tabac, etc.

Lansanna Sidibé, conseiller technique du ministre de la Santé et de l’Action sociale, affirme également qu’il a été prouvé que l’augmentation substantielle et régulière des taxes et des prix est le moyen le plus efficace pour réduire la consommation de tabac.

LE COÛT ANNUEL DU TABAGISME ESTIMÉ À 122 MILLIARDS DE FCFA PAR AN AU SÉNÉGAL…
Selon les résultats de la recherche du Cres qui a procédé à une enquête auprès de 2001 patients répartis dans 14 hôpitaux publics sénégalais, en 2017/2018, le coût annuel du tabagisme est estimé à près de 122 milliards de FCfa au Sénégal. Les dépenses liées aux soins (coûts directs) sont inclues dans cette somme et s’élèvent à 74 milliards de FCfa. Idem pour les pertes de revenus dues à l’absentéisme au travail et aux décès des patients (coûts indirects) qui sont estimées 48 milliards FCfa.

…POUR 24 MILLIARDS DE FCFA DE REVENUS
Le même document révèle que les revenus tirés de la consommation du tabac sont de 24 milliards de FCfa, dont 20 milliards de recettes fiscales et 4 milliards de revenus d’activité (salaires, bénéfices commerciaux). Comparé aux 122 milliards de coût annuel, le tabagisme coûte finalement 98 milliards à la société sénégalaise. Les ménages supportent 71 milliards de FCfa des coûts par an et l’Etat dépense 51 milliards FCfa pour le traitement des patients souffrant des maladies liées à la consommation des produits du tabac. Le traitement des maladies non transmissibles imputables à la consommation des produits du tabac absorbe ainsi 17 % du budget que le Sénégal alloue annuellement au secteur de la santé.